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Comprendre la carence affective et ses effets




Carence signifie « manque ». Un enfant, pour grandir normalement a besoin d’une quantité et d’une qualité d’affection suffisantes. Si cette affection manque en quantité ou en qualité (est donc carencée), l’enfant connaitra des problèmes divers durant sa vie d’enfant, d’adolescent, et parfois même d’adulte.
Mais qu’est ce qui peut causer une carence affective et quelles sont les conséquences pour la santé de l’enfant ?
Comment en sortir ?


 

Qu'est-ce que la carence affective ?

Il est important tout d’abord de signifier que le besoin affectif est un besoin légitime et fondamental. Toute personne, pour se sentir bien a besoin d’une quantité et d’une qualité d’affection suffisante et cela se joue dès la plus tendre enfance…
Si cette affection manque (est donc carencée), l’enfant connaitra des problèmes divers durant sa vie d’enfant, d’adolescent, puis d’adulte. Un enfant carencé (affectivement) est en effet, un enfant fragilisé et la dépendance affective prend son origine dans ce manque affectif.

Le nourrisson a un besoin vital d'établir un lien d'attachement solide avec son parent et ce, dès les premiers moments de sa vie. Ce lien, en fonction du type d'intéractions entre le parent et son bébé va générer un type d'attachement spécifique que Bowlby et Answorth, connus pour leurs apports sur la théorie de l'attachement, ont largement décrit. Ces modèles vont de l'attachement sécurisé à l'attachement insécure. Ce qui peut créer un modèle d'attachement insécure est principalement lié à l’incapacité des parents à répondre aux besoins affectifs de leur enfant et lui apporter cohérence et stabilité dans le lien affectif.
Le lien sécure est évidemment celui qui est le plus profitable pour le développement et assure des relations affectives équilibrées.

Le lien insécure quant à lui est préjudiciable à divers degrés en particulier concernant les relations sociales. En effet, selon la théorie de l'attachement, l'enfant qui n'a pas un environnement suffisamment sécurisant et réconfortant va s'en protéger en développant des comportements qui nuiront à sa vie affective et sociale, pouvant aller d'un rapport anxieux aux autres - perçus comme menaçants - à une attitude hyper investie vis à vis de "figures d'attachement secondaires" (maitresse, autre adulte) ou encore à une fuite des liens trop intimes qui risqueraient de menacer son équilibre intérieur.
Ils vont durablement influencer notre vie affective et relationnelle tout au long de notre vie.

Qu’est-ce qui peut causer une carence affective ?

  • Un défaut dans la relation entre l’enfant et ses parents (en particulier la mère pour les jeunes enfants): parents absents, ou qui ne jugent pas important de prendre l’enfant dans leurs bras, le câliner, lui dire des « mots doux » ; Un enfant non désiré et rejeté par sa famille ; Une mère qui à elle-même souffert de carence affective et qui reproduit le même type de relation avec son enfant ; Un enfant délaissé, ignoré, peu stimulé. C’est aussi une mère dépressive qui n’arrive pas à lier une relation normale avec son enfant : elle lui montre son affection puis juste après le rejette ou l’ignore (ce qui est aussi douloureux pour l’enfant). Une incohérence dans l’éducation : qui peut osciller entre des comportements violents (rejet, brutalités) et un abandon (c’est à dire un chaos relationnel): Dans tous ces cas, l’enfant aura une relation perturbée avec sa mère, ses parents, qui, si elle perdure mènera à la carence affective.
 
  • Un évènement qui a bouleversé l’enfant : une ou plusieurs séparation(s) brutale(s) et prolongée(s) avec un ou ses deux parents, un abandon (ou un évènement vécu par l’enfant comme un abandon), un deuil inexpliqué, une hospitalisation prolongée. Ces séparations, quand elles sont vécues quand l’enfant a moins de deux ans, sont forcément traumatisantes pour l’enfant et ce, durablement.
 
  • Des carences institutionnelles sont aussi en cause (que ce soit à la pouponnière, dans la famille d’accueil ou avec la personne qui se substitue au rôle parental) : changements fréquents des personnes qui s’occupent de l’enfant, soins « distants » et anonymes…
Ce sont les trois principales causes à considérer. Si elles sont cumulées et durent dans le temps, cela renforce le risque de carence.

Quelles sont les conséquences sur la vie de l’enfant ?


Un enfant carencé est un enfant fragilisé. Par exemple, un enfant carencé au niveau alimentaire risque de tomber plus souvent malade. Au niveau affectif , c’est identique : un enfant carencé risque d’être plus vulnérable dans sa vie affective et s’expose à des souffrances plus grandes qu’un enfant qui ne l’est pas. Le besoin de sécurité, comme le besoin de se nourrir est vital et si l'enfant en est privé, dans les cas les plus graves, un enfant peut même déprimer, arrêter de jouer, de s’alimenter, et dans les cas extrêmes, se laisser mourir. C'est ce que Spitz a démontré au siècle dernier en décrivant la notion d'hospitalisme observé chez des enfants orphelins privés d'apports affectifs suffisants et qualitatifs. 

Car personne ne peut survivre sans affection : c’est un besoin primaire et vital !


En effet, selon la théorie de l'attachement, l'enfant qui n'a pas un environnement suffisamment sécurisant et réconfortant va s'en protéger en développant des comportements qui nuiront à sa vie affective et sociale, pouvant aller d'un rapport anxieux aux autres perçus comme menaçants à une attitude hyper investie vis à vis de "figures d'attachement secondaires" (maitresse, autre adulte) ou encore à une fuite des liens trop intimes qui risqueraient de menacer son équilibre intérieur. Quoiqu'il en soit, ce que la carence affective va induire dans le comportement de l'enfant avec les autres et en particulier les personnes avec qui il pourrait avoir un lien affectif proche, va compliquer sa vie relationnelle et probablement générer de la souffrance liée à ces rapports compliqués et douloureux. L'un des aspects que prend ce mode d'interaction dysfonctionnel est la dépendance affective, bien connue car largement médiatisée.


L’enfant va vivre un sentiment d’insécurité qui sera difficilement apaisé du fait de ses expériences. Il ne trouvera que difficilement cette sécurité dont il a pourtant besoin. En effet, l’affection (adaptée, cohérente et stable) apporte un sentiment  de sécurité à l’enfant : ce qui lui permet de s'adonner à des explorations (décrites par Bowlby dans la fameuse situation étrange). Quand son besoin de sécurité se fait sentir, il se tourne naturellement vers sa mère pour venir se blottir contre elle et "remplir son réservoir affectif". Une fois rassuré, il peut tranquillement retourner à ses jeux. Sa mère est en quelque sorte sa base de sécurité près de laquelle il fera des allers-venues en fonction de son besoin de sécurité affective.
 

En l’absence d’un sentiment de sécurité,  l’enfant aura du mal à se sentir à l’aise dans ses relations avec les autres (enfants ou famille) et sera moins disponible (et intéressé) pour apprendre, jouer, se développer.


Il est par ailleurs fort probable que cette expérience le rende méfiant et distant dans ses relations amicales puis amoureuses dans lesquelles il aura du mal à se sentir rassuré et pourra par exemple avoir du mal à s'engager, faire confiance. Ce sont les symptômes de la dépendance affective qui va prendre différentes formes :

  • La jalousie dans les relations peut être une marque d'anxiété rendant difficile le lien de confiance entre deux partenaires.
  • La possessivité est aussi une manifestation d'un lien problématique à l'autre dans la mesure où l'un tente de contrôler l'autre pour entre autre apaiser ses propres angoisses liées au rejet et à l'abandon...
  • Des difficultés à trouver le juste milieu entre trop et trop peu d’attachement et d’engagement.
  • La colère excessive vis à vis du conjoint que l’on prend comme responsable de notre propre souffrance.
  • Des troubles anxieux autour de la relation, la séparation.
Un enfant carencé est souvent angoissé, anxieux. Cette angoisse peut se manifester de plusieurs manières : troubles dans son sommeil, son comportement, sa personnalité. La gamme des troubles anxieux est assez large et peut aussi prendre la forme d'une anxiété généralisée et devenir handicapante.  L'enfant puis l’adulte dépendant, aura du mal à avoir des relations « normales » avec les autres. De plus, il sera à l’affût de tout ce qui peut confirmer ses peurs, le rendant peu disponible pour le reste. L’enfant tente à sa manière d’exprimer et d'exorciser ses angoisses. 


Des troubles peuvent aussi apparaitre dans ses apprentissages : la marche, le langage : sans cette base de sécurité nécessaire au bon développement, des retards peuvent apparaitre dans les apprentissages de l'enfant et signaler une difficulté pour lui à s'y investir comme cela devrait être naturellement le cas. Des retards de développement peuvent donc être observés pouvant même aller jusqu'à des attitudes quasi autistiques vis à vis des autres.  

 


Quelles sont les conséquences pour l’avenir ?

Ces conséquences  peuvent se prolonger pendant l’adolescence et la vie adulte et entrainer des difficultés dans les  relations avec les autres : relations professionnelles, amicales et surtout amoureuses. Comme s’il manquait des bases nécessaires pour apprendre à nouer des relations normales avec les autres, la personne carencée aura des comportements inadaptés qui rendront difficiles ses relations avec les autres et entraineront dans bien des cas, des séparations qui ne feront que réactiver les souffrances passées.


La gravité des conséquences va dépendre de la durée et la forme des carences et de la possibilité qu'a eu l’enfant de nouer par ailleurs d'autres liens significatifs qualitatifs.

Des études ont même mis en évidence le lien entre le modèle d'attachement intégré pendant l'enfance et celui qui continuait à opérer durant la vie conjugale à l'âge adulte. Un modèle sécure permettrait d'envisager des relations de couples plus confiantes et rassurantes alors qu'un modèle insécure entrainerait de fait des difficultés à faire confiance, à se sentir rassuré dans la relation, à s'engager, à surmonter les conflits et faire durer d'une façon globale la relation.

Il est remarquable également de constater que bon nombre de jeunes qui ont tenté de se suicider, disent l'avoir fait suite à une rupture amoureuse pour des motifs liés à leurs relations familiales et sentimentales. Comme si là encore le besoin affectif était étroitement lié à l'instinct de survie et que perdant un lien significatif (souvent hyper investi), le jeune avait le sentiment alors de ne plus être capable de vivre "seul". Cela met également en évidence l'intensité de la souffrance psychologique qui peut découler de relations de couple perturbées et où le lien à l'autre est dysfonctionnel.


Comment aider un enfant à sortir de l'insécurité affective ?

L'insécurité affective n’est pas une fatalité, mais il serait illusoire de penser qu’elle peut se résoudre sans un travail sur soi et sur ses propres besoins affectifs si nous sommes nous-mêmes concernés et une intervention auprès de l'enfant qui puisse compenser les carences vécues.
Si l'on est parent, adulte proche d'un enfant concerné, il est ainsi possible d'agir :

  • Pour faire face à toute carence, il est important de commencer par l’identifier (comme cause de tous les problèmes adjacents) : ce n’est pas toujours facile de faire de lien entre un comportement agressif et une carence affective par exemple, d’où la nécessité de  consulter pour faire une bonne évaluation au départ.

 

  • Ensuite, la seule manière de sortir d’un état carencé, est de pallier aux carences ; c'est-à-dire en apportant progressivement et patiemment la dose et la qualité suffisante d’affection à l’enfant (le sien ou celui que l'on a été) : en le câlinant, lui parlant, en jouant avec lui, en lui disant combien on l’aime, en le consolant ou encore en le rassurant… Les gestes et les paroles par lesquels passe l’affection vont avoir un impact très important surtout de la part des personnes qui ont une importance particulière dans la vie de l’enfant : Ce sont souvent les parents, mais ça peut être aussi les parents fa’a’amu, adoptifs, une tatie de foyer, les grands-parents qui les dispensent… 


Pour se protéger, un enfant est capable de développer certaines défenses pour contrer son angoisse et son manque. Mais toutes ces stratégies ne sont pas adaptées et peuvent entrainer des problématiques « secondaires ». Par exemple, l’enfant peut devenir agressif (l’attaque devient sa défense) avec les autres ; ce qui aura comme conséquence de se faire rejeter par les autres et donc de ne pas réussir à nouer des relations satisfaisantes avec les autres. Pour éviter qu’il ne reproduise à l’infini ces stratégies inadaptées, il faut aider l’enfant à en changer (ses schémas cognitifs et comportementaux).


Normalement, sauf dans les cas les plus graves, et si l’on agit assez vite, combler ce manque affectif suffira à l’enfant pour retrouver une santé morale et physique. Si ce n’est pas le cas, il faudra en plus prévoir un accompagnement psychologique pour l’enfant, sa famille (ou les personnes concernées) pour, entre autre, que les souvenirs enfouis perdent leur effet destructeur. Et ceci est d’autant plus vrai si les carences durent depuis longtemps : il est encore temps de prendre en charge une carence affective chez l’adolescent et l’adulte.


Dans tous les cas, on ne peut pas ignorer la carence affective, car elle se manifestera tant qu’on ne l’aura pas solutionnée …


Pour revoir l'émission radio Polynésie 1ère en replay :


Pour écouter la version podcast :

01_famili_psy_du_14_mars.mp3 01 Famili Psy du 14 mars.mp3  (12.88 Mo)



Rédigé par Nathalie Colin-Fagotin, Lu 3420 fois







1.Posté par Linda M. le 15/03/2016 20:58
LindaM
Merci pour l'article !

J'ai aussi manqué de ma mère plus jeune, et cet article parle clairement de ce que j'ai vécu...

on traine cette carence jusqu'à l'âge adulte !! et c'est compliqué !
mais on peut s'ne sortir...

nana !

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